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Un jour de plus...
31 octobre 2004

Pourquoi la montagne ?

Pourquoi ?

- Pourquoi ? Mais qu'est-ce que je fous là, nom de dieu de bordel de merde !!
- ...
- Et arrête de me laisser redescendre, toi !!
- Ben allez quoi, c'est facile..
- Ta gueuuule [apeuré] ! Il tient pas ce coinceur je te dis. Quand j'me tire dessus ça fait crouiiiiiic et ça descend..
- Mais non, ça tient bien, allez !..
- Taaaa gueuuuule [ effrayé] ...
- Nan vas-y, ça...
- Taa guueuule j'te dis [irrité] ... Attends.. euhhh.. huuummmmmmpffffffffffff.. Sec, sec, sec... Putain, prends-moi sec là, qu'est-ce que tu fous bordel !!!!
- Bah tu vois ça tenait ce coinceur..
- Taaaa gueuuule [mauvaise foi] ....

Pourquoi ? Oui, pourquoi ? Qu'est-ce qui nous pousse, nous, individus moyens, faibles et trouillards, à aller se geler les couilles (respectivement les miches) là haut, là où il fait froid, là où y'a pas de chauffage, pas d'eau courante ni d'électricité, rien que des tas de cailloux surmontés de neige ou de glace, ou mieux, d'autres tas de cailloux ?

"Et dire qu'il y a des gens qui font ça par plaisir !" Capitaine Haddock, Tintin au Tibet.

Bah oui, c'est uniquement pour le plaisir qu'on va là-haut. Et du plaisir, on en prend, et ce de multiples façons.
Déjà, on prend plaisir à y aller pour toutes les raisons qui justement vous font dire que nous autres alpinistes sommes fous de le faire : parce que justement, il n'y a pas tout le confort nécessaire, parce qu'on y retrouve que des gens comme nous et pas les assistés qui ne fréquentent que les stations de ski avec télésièges débrayables, roulent en BMW parce qu'ils pensent que les voisins les envient, et finissent par crever d'une crise cardiaque à 40 ans parce qu'ils ont donné leur vie à leur boulot. Ce qu'on aime, c'est retrouver la simplicité de l'altitude, tout se réduit à quelques nécessités, manger boire, dormir, bouger, tout le reste est superflu. On peut se retrouver avec soi-même sans avoir à penser à son boulot, ou à comment on fait pour résoudre une équation différentielle du quatrième degré non linéaire.
On y va aussi pour le paysage. Vous n'avez qu'à vous rendre dans la galerie, voir ce que peuvent donner des photos de montagne prises à 4000 mètres d'altitude lorsque le soleil pointe le bout de son nez, et vous imaginerez sans peine ce qu'on peut réellement vivre quand on voit ce genre de paysages.

Il y a aussi bien entendu le dépassement de soi, le plaisir de pousser sa machine à ses limites. Vous n'avez jamais ressenti cette sensation de bien être lorsque, après un gros effort à l'extérieur et une bonne douche chaude, vous vous affalez dans un vieux fauteuil bien confortable ?
Sans oublier les souvenirs qu'on peut se forger... Qui peut soupçonner que faire fondre de la neige pleine de saletés dans une gamelle, les pieds cloqués par des coups de soleil et l'arrière train trempé peut devenir un souvenir impérissable gravé dans la mémoire?

Le dépassement recherché n'est pas uniquement physique, mais aussi mental : il faut combattre sa peur du vide, de l'exposition, de l'engagement. Oui c'est vrai, on recherche la solitude, on va pas se plaindre non plus de ne pouvoir compter que sur soi. Mais rassurez-vous, on ne se plaint pas, on assume à 100%, loin de pratiquer l'alpinisme Paris-Match, on se lance dans des choses à notre portée, et on sait faire demi-tour si nécessaire, quitte à supporter par après un léger (voire tenace) sentiment de déception et d'inachevé.
Et après tout, quoi de plus sympatique que de se retrouver complètement gelé dans un passage foireux, le dernier point d'assurage (un coinceur moisi posé comme on a pu dans du schiste, un rocher au coefficient d'éboulement effrayant) 20 mètres sous soi, les jambes qui commencent à tétaniser, pas de prises à l'horizon ? C'est dans ces cas là qu'un bon vocabulaire, comme disait Georges Livanos, est bien utile pour s'alléger un peu de la pression.


En fin de compte, je crois que tous les alpinistes ont un jour ou l'autre eu à décrire pourquoi ils pratiquaient l'alpinisme. Tant de réponses apportées, tant de motivations, pour finalement ne jamais se faire comprendre par ceux qui ne le voulaient pas. Aussi je trouve particulièrement adaptée la réponse pleine de bon sens et de mauvaise foi que George Leigh Mallory fit lorsqu'on lui demandait pourquoi il escaladait les montagnes : Parce qu'elles sont là.

Pour finir, je pense que quelques mots forts connus résument fort bien les motivations de l'alpinisme, à savoir le titre de l'autobiographie de Lionel Terray : Les Conquérants de l'Inutile.

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Commentaires
S
Ni l'un ni l'autre.<br /> Le dévissage, j'ai déjà donné, j'auaris pas été contre la femme de ma vie (enfin si, jaurais même été tout coutre)...<br /> Petit séjour familial... Sympa aussi, mais différemment..
M
Shef t'as dévissé ou t'as rencontré la femme de ta vie?
M
Ca me rappelle un peu le canyoning... je pense que ça doit relever du masochisme en fait.....
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